Le Nouveau Lève-Rames



Bonjour à tous,


Voilà à 6 ans que personne n’avait plus entendu parler de nous. Il est temps de vous signaler que nous sommes encore vivants et que le nouveau Lève Rames est arrivé.

Il se nomme EN-DRO, une expression bretonne traduite souvent par « de retour » quand les bretons veulent dire « à nouveau ».


6 ans pour construire un bateau c’est long et ce fut même très long !


Nous étions en Nouvelle Zélande l’été austral 2006 / 2007 quand nous a pris cette fantaisie folle de vouloir construire en France un nouveau bateau. Ce serait encore un dériveur intégral en alu avec grand voile à enrouleur dans le mât comme Lève Rames qui nous avait donné toute satisfaction pendant 17 ans. Il aurait aussi, de plain pied avec le cockpit, une grande timonerie intérieure pour faire le quart à l’abri en pantoufles, avec table à cartes, barre, commande moteur et un bureau pour Hélène et, à l’avant, une cabine avec lit double comme à la maison, de quoi en faire le tour pour faire le lit sans crapahuter dessus à quatre pattes, une machine à laver et des winchs électriques…bref, ce qu’Hélène appelle un «bateau gériatrique». Ce serait aussi un bateau mixte fluvio-maritime pour naviguer en mer et sur les fleuves et canaux et dans cette perspective aurait 2 moteurs indépendants. Un tel bateau n’existant pas encore au catalogue des chantiers il fallait trouver un architecte et un chantier.


L’idée était de vendre Lève Rames en Nouvelle Zélande et de faire construire En-Dro là bas . Malheureusement les dériveurs intégraux n’ont la cote ni en Nouvelle Zélande ni en Australie et le seul dont nous avions entendu parler avait été bradé pour un prix dérisoire après être resté 3 ans sur le marché. En Nouvelle Calédonie il fallait payer 17% du prix de vente du bateau (pourtant sous pavillon français) en droit de douane et je n’acceptai pas de me faire arnaquer par des gens qui vivent déjà des impôts des contribuables métropolitains.


Nous avons chargé Lève Rames en février 2008 en Australie sur un cargo Dockwise qui nous l’a débarqué aux Baléares.

A l’arrivée de Lève Rames la coque de En-Dro aurait du être terminée. Nous avions organisé tout cela de Nelle Zélande : l’architecte était censé s’occuper de tout et suivre la construction. J’avais accepté immédiatement le chantier qu’il nous avait proposé à 100 Km de chez nous et que je connaissais depuis 17 ans. Mais une sale surprise nous attendait.


Nous ne pouvions imaginer à quel point la France avait dégringolé. C’est une chose que l’on ne perçoit pas quand on y vit et nous-mêmes qui y vivons maintenant sommes surpris de voir la réaction effarée de ceux qui arrivent après une absence de nombreuses années.

Voila 40 ans qu’on ne forme plus de manuels. Tous vont au lycée puis en fac. On forme des cohortes de sociologues, d’historiens de l’art, de musicologues et j’en passe…et qui forment des cohortes de chômeurs tandis qu’on ne trouve pas un soudeur, pas un chaudronnier, pas un menuisier…Les chantiers de l’atlantique cherchent de puis de nombreux mois 100 soudeurs, ils n’en ont trouvé que 16 aux dernières nouvelles.

Nous sommes arrivés en France à la période où les bons manuels qui s’étaient mis à leur compte dans les années 60 /70 vendaient leurs entreprises. Faute de manuels bien formés, elles étaient rachetées par des gens de formation commerciale ou de gestion et ne connaissant pas le métier.

Ainsi le chantier qui construisait notre coque avait été racheté et, l’ancien patron, chaudronnier de métier étant parti avec son chef d’atelier, ne restaient pour diriger l’atelier que des gens sans compétence manuelle. Ce que voyant, les bons ouvriers sentant les problèmes venir avaient quitté la boutique d’autant plus facilement qu’on en cherche partout, et ne restaient que des braves gars sans formation et non encadrés.

Malgré le suivi de construction de l’architecte j’ai découvert une coque ratée. Mais ratée de chez raté ! J’entend par ratée que les soudures de coque fuyaient lors du ressuage, que la soudure des cadènes avait entrainé des trous dans le bordé, que les cadènes de pataras étaient simplement pointées puis disparues dans un petit coffre sans ouverture, que une varangue, la membrure et le barrot ne tombaient pas en face de l’autre membrure, etc…etc…nous avons plusieurs centaines de photos à faire dresser les cheveux sur la tête même des constructeurs les plus mauvais lors des débuts de la construction amateur des années 60.

=> Voir certaines malfaçons.

Par contrat la coque devait nous être livrée en décembre 2007 et en novembre 2008 le chantier avouait ses malfaçons et nous proposait généreusement de recommencer en juin 2009. Il nous a fallu prendre un avocat et trouver un arrangement le moins mauvais pour récupérer une partie de ce que nous avions dépensé.


En mars 2009 nous avons recommencé une coque chez Jean François ANDRE à Barbâtre (ile de Noirmoutier). Ce n’était pas tout à fait la même (J.F André étant le nouvel architecte) et nous avions perdu assez d’argent pour ne plus pouvoir faire faire une étude d’un bateau à l’unité. J.F.André nous a donc fait une coque d’un de ses bateaux de série, le Crozet, qu’il a un peu modifié pour que nous puissions y mettre ce que nous avions l’intention d’y mettre : un roof rallongé pour la timonerie et 2 moteurs. La coque appelée « Crozet B » a été terminée en octobre 2009.



Nous devions faire les emménagements chez nous au Croisic dans un chantier très bon que nous connaissions depuis 1984 . Pendant nos longs démêlés avec le chantier coque, lui aussi avait été revendu par son fondateur à un repreneur qui n’y connaissant rien avait coulé la boite entrainant dans sa chute les arrhes que nous avions versés à son prédécesseur. Rebelote ! Mais là inutile de prendre un avocat, le gars s’était envolé et les quelques bricoles restantes vendues aux enchères pour ne couvrir que les frais de publication.


Pour les moteurs je les avaient achetés à mon voisin patron du chantier de mécanique navale du Croisic. Des moteurs avec négatif isolé (coque en alu) et un deuxième alternateur. Vous avez deviné ? Bravo ! lui aussi est venu me voir à mon arrivée pour m’annoncer qu’il avait vendu sa boite à ses ouvriers, les jeunes, car les anciens bien formés n’avaient pas voulu se lancer dans l’aventure, et j’ai retrouvé mes moteurs dans le premier chantier, servant de marche pour descendre dans la coque, pleins de copeaux d’alu. Quand, les ayant récupérés, je les ai montés : ils n’avaient pas de second alternateur ni de pôle négatif isolé. Il nous a donc fallu, outre le démontage et le nettoyage des alternateurs pleins de copeaux, racheter les deuxièmes alternateurs et les kits de négatif isolés, et remettre le bateau à terre après une première mise à l’eau suivie d’essais au cours desquels une bague hydrolube avait grillée en 8 heures de navigation suite à un montage à la Dubout.


Tout cela ça diminue le niveau de la caisse de bord et de plaisanciers achetant leur bateau nous sommes redevenus, comme pour nos précédents bateaux, des plaisanciers qui retroussent leurs manches …et faire un bateau gériatrique ça maintient jeune !


Nous avons quand même pas mal sous traité. Et là, nous avons tout vu : les chantiers fermés pour cause de vacances quand arrivent les beaux jours et donc les clients… les vendeurs qui prennent les commandes mais ne les transmettent pas (on doit téléphoner à leur boite pour repasser la commande)… les soudeurs ne sachant pas souder… les entreprises de mécanique qui montent des relais ne supportant pas plus de 30 ampères sur un circuit de démarrage qui en consomme 600… les affuteurs d’outillage qui perdent les outils à affuter… les artisans qui refusent de vendre le matériel qu’ils installent parce que faire des papiers les emmerdent…les ajusteurs qui ignorent l’existence de l’alésoir…celui qui nettoie son pied à coulisse avec une lime…les électriciens installant un chantier qui ne connaissent pas le courant triphasé…les patrons qui ne veulent pas travailler plus de 35 heures parce que s’il faut travailler plus que leurs ouvriers ce n’est plus la peine d’être patron…Bref, s’il faut appeler un chat un chat, décider de faire un bateau à l’unité en France cela s’appelle en bon français une connerie.

Il y a encore quelques jours ma théorie était que, la France ne formant plus de manuels depuis longtemps mais formant encore de bons ingénieurs ,il ne fallait pas faire construire de bateau à l’unité en France mais y acheter des bateaux de série qui sont encore bons .

Las, ma théorie est écornée par quelques révélations telle que ce catamaran neuf partant en convoyage pour les Antilles qui doit faire demi tour dans le golfe de Gascogne, le mât dont le pied a été simplement posé mais non boulonné fichant le camp, ou ce bateau neuf dont l’équipière s’accrochant à une filière part avec la filière et les chandeliers aux embases non boulonnées, ou ce mail reçu d’amis : «super, pour la première fois le moteur a tourné 2 heures sans aucune fuite !»


Enfin ça y est !

En-Dro après livraison de sa coque en octobre 2009 non pas au Croisic comme prévu mais à Mesquer (Loire-Atlantique) dans le hangar de François ERIEAU charpentier de marine qui travaille lentement à mon goût mais très bien et très soigneusement, en est reparti à l’été 2011 pour le terre plain du chantier de gardiennage, entretien, traitement anti osmose etc… «Estuaire Plaisance Services» à Arzal (Morbihan) qui nous a accueilli dans une ambiance sympa pour nous laisser faire ce que l’on appelle, sans doute parce que c’est le plus long, les finitions.

Après une première mise à l’eau au début de l’été 2012 suivie d’une remise à terre pour cause de découvertes de matériel ne fonctionnant pas, bague hydrolube, hélices à mise en drapeau qui n’avaient pas deux pales au même pas (mises sur le banc de contrôle l’ordinateur clignotait « hors tolérances » ce qui m’a valu d’être sorti de l’atelier au motif que les clients n’ont pas à voir le travail),et j’en passe, En-Dro a repassé un autre hiver à terre, a été remis à l’eau en avril 2013, essais en rivière à Arzal puis en mer, séjour à La Rochelle pour mettre au point l’électronique assez compliquée (j’ai voulu superposer sur la carte électronique l’image radar et l’AIS et ça marche), finalement nous sommes partis de La Roche Bernard le 28 juin pour la Galice puis le Portugal où nous sommes en ce moment, descendant vers le sud d’une allure de retraités sur leur bateau gériatrique (on a même la télé à bord).


Destination les Canaries d’où nous partirons fin novembre pour les Antilles quand les alizés seront établis, puis, après l’hiver 2013/2014 remontée de la côte Est des USA et du Canada, remontée du St Laurent et des grands lacs où nous hivernerons le bateau hiver 2014/2015 pour redescendre au printemps par le canal Chicago-Mississippi jusqu’en mer des Caraïbes.


Finalement on pourra sans doute faire le voyage prévu mais avec 4 ans de retard et à 66 ans on n’a pas trop d’années à perdre.

4 ans de retard à cause de l’incompétence technique où des dirigeants imbéciles ont plongé tout un peuple, les uns par cupidité pensant gagner plus en faisant fabriquer les produits à meilleur marché à l’étranger, les autres par bêtise idéologique en voulant voir tous les jeunes au lycée et en fac pour accéder à ce qu’ils appellent la culture, la leur bien entendu car pour ces petits bourgeois la culture ouvrière ne peut en être une.


J’espère que notre pauvre pays se relèvera de cette triste ornière mais cela demandera beaucoup de temps et d’efforts.


Dans leur recherche de soudeurs les chantiers de St Nazaire ont découverts 42 centres de formation de soudeurs en France, l’Allemagne et l’Autriche réunies en totalisent 1200.


Pour ceux qui recevront cet e-mail par internet et non par sail mail j’y ai joint une photo de En-Dro.


Pour l’instant notre adresse mail est : en-dro.sn@hotmail.com

Nous allons voir comment avoir une adress winlink ou sailmail et vous la donnerons pour les traversées.

Sur marinetraffic ou vesselfinder vous pouvez suivre notre AIS. Le bateau n’est pas encore repéré par son nom mais par son MMSI qui est :227 701 710 et qui ne marche que quand nous sommes en route (arrêté au port pour cause d’économie de batteries)


Bon vent et bonnes escales à tous


Gilles et Hélène en escale à Porto qui boivent à votre santé.




 

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